Voie d'Arles par Régis et Serge

D'ARTAGNAN

Statue de d'Artagnan et escaliers

- Le vrai nom de d'Artagnan est Charles de Batz. Il n'est pas né à Auch, mais dans un village tout proche (Lupiac).

Il mourra en 1673 au siège de Maastricht.
- Si le personnage fut bien réel, c'est l'image très romancée et en grande partie inventée qu'en a donné

Alexandre Dumas qui en fit un personnage légendaire.

- Le nom d'Auch viendrait des habitants originels, les "Auscii".

RECIT

Ce récit (texte original dans son intégralité) est l’œuvre conjointe de mes deux amis Serge et Régis rencontré sur la voie d'Arles en 2012. Ces quelques jours passés ensemble ont été pour moi sûrement la plus belle des rencontres sur les chemins jusqu'à ce jour et pourtant j'ai plusieurs centaines km dans les jambes mais une osmose s'est créée entre nous et cela est très certainement du à notre passé sportif et pourtant...ils sont de l'ovalie et moi du ballon rond...comme quoi !.

Alors à bientôt les amis car j'ai bien envie à la prochaine occasion de refaire un petit bout de chemin avec vous... Daniel

JEUDI 28 juin 2012 CASTRES / DOURGNE

Le sac à dos est prêt depuis l'avant-veille. Nous avons décidé de partir en autonomie, et forcément, les kilos s'accumulent. Tant qu'il ya de la place, on bourre, pas un seul centimètre cube ne doit rester inoccupé. Tente, matelas, duvet, popote, sans oublier le Ricard et les pantoufles, si l'on rajoute les vêtements, la pharmacie (rhum compris), et le nécessaire de toilette, on atteint allègrement les vingt kilos. Si l'autonomie a du bon (on s'arrête où l'on veut, on peut choisir entre camping, camping sauvage, gîte d'étape), elle a son handicap (comme dans les courses de chevaux), le poids. Et pour le coup nous nous étions transformés en de véritables mulets.

Lever 06h00, départ 07h00. Le chauffeur du jour Karine; le co-pilote Martine que nous récupérons à 07h10 à Portel des Corbières. Régis est prêt depuis longtemps. Pas besoin de klaxonner, il est déjà devant la porte à piaffer d'impatience. Martine qui va lâcher Régis pendant dix jours, dans la nature est beaucoup plus inquiète. Mais bon ça lui fera des vacances.

Les sacs à dos sont chargés dans le coffre, et direction Castres par Saint Pons de Thomière. Vu l'heure, nous décidons de ne pas nous faire lâcher en plein Castres, mais dans ses faubourgs. Ça sera Barginac, petit hameau situé aux abords de Castres. Le temps est magnifique, plein soleil; ça y est nous sommes lachés, l'aventure commence. A l'entrée du hameau, une marque rouge et blanche, et le symbole des chemins (la coquille) nous indiquent que nous sommes « pile poil » sur le chemin. On sort la boussole, on oriente la carte, et on prend le chemin dans le bon sens; c'eut été bête de le prendre à l'envers...

Direction Viviers les Montagnes} le chemin est agréable et pas trop accidenté, vers 12h00 nous approchons de Viviers, sur le chemin nous entendons les bruits d'une discussion C'est un autochtone, très érudit qui fait un cours d'histoire des lieux à une Normande accompagnée d'une Munichoise, ce sont les deux premières «pèlerines» que nous rencontrerons, nous les retrouverons à Dourgne, puis à Soréze, et nous ne les reverrons plus Nous échangeons quelques civilités., et les deux dames profitent de l'aubaine pour s'esquiver, le prof d'histoire commençait à leur paraitre lourd. Ce dernier jette son dévolu sur nous, et c'est à grand peine que nous arrivons à notre tour à nous esquiver... si notre excès de politesse avait duré, on en avait pour une bonne heure, et nos estomacs commençaient à rugir.

Un petit coin ombragé nous invite aux premières photos, puis nous rejoignons Viviers, nous grimpons dans le village en direction du château et de l'église pour déboucher, tout en haut, sur un petit square ombragé. L'endroit idéal pour calmer nos estomacs. Casse-croute sorti du sac; Regis fait connaissance avec le régime alimentaire montagnard préconisé par Serge, qui sera le même pour lui, et qui ne changera pas jusqu'à Auch. C'est étudié pour perdre du poids: tomate à la croque sel, un bout de saucisse sèche, et un babybel, le tout accompagné de pain bien sûr, et de vin rouge quand il y en a. Dire que la tête de Régis reflète la surprise, est un doux euphémisme, puis finalement ça deviendra une douce habitude.

Il nous reste douze kilomètres à faire pour rejoindre Dourgne. Le cheminement se fait sans encombres, très agréable, tantôt à travers champs, tantôt par des petits chemins bordés d'arbres. Certains ont déjà des fruits qui jonchent le sol. Regis me vend ça comme étant des micocoules. On goûte, saveur très agréable. Quelques jours plus tard on aura un doute, micocoules, mirabelles ou petites prunes sauvages? Peu importe, !'essentiel c'est que c'était bon et certainement bourré de vitamines. Mais il va falloir que je prenne garde, Régis est capable de me faire manger n'importe quoi, à partir du moment où il l'a baptisé! Un petit arrêt à l'embranchement de La Coutarié où un pont qui enjambe le ruisseau de Sant nous propose sa margelle pour déposer nos arrières trains et prendre quelques minutes de repos. Nous passons le Moulin Bas à proximité de Verdalle , puis nous arrivons à une fourche où l'on doit laisser le GR pour rejoindre Dourgne. A cet endroit, nous retrouvons la Normande et la Munichoise (finalement nous étions passé devant elles sans nous en apercevoir), petit conciliabule sur le mode d'hébergement choisi. Elles ont opté pour le couvent de la Sainte Scholastique, il y avait aussi celui d'En Calcat, nous, nous avions opté pour le camping deux étoiles de Dourgne. Ce n'était pas le meilleur choix, car le camping se trouvait tout en haut du village à plus de trois kilomètres, et les étoiles, il a fallu attendre la nuit pour pouvoir les voir. Sanitaire réduit à sa plus simple expression l pas d/eau chaude l donc forcément douche froide etc etc. Il y avait qu/un seul autre fou qui avait fait le même choix que nous un Gardois très sympathique qui s'était fixé comme objectif de rejoindre Toulouse. Lui aussi nous le retrouverons le lendemain au camping de Revel et puis plus du tout.

Régis fait connaissance avec les rudiments du camping, il a vite pigé le coup. Le pastis, un repas chaud (pates à la bolognaise), les étoiles sont là, nous nous glissons sous la toile, et extinction des feux, la journée a été bien remplie, et la fatigue a fait son œuvre, les paupières sont lourdes, le concert peut commencer. Quand Régis est au violon et Serge à l'accordéon, vaut mieux pas dormir dans les environs...Régis avait solutionné Je problème d'une promiscuité un peu bruyante en se collant des boules Quies dans les oreilles. Quant à Serge qui avait gardé les conduits auditifs bien ouverts, il a passé la nuit en pointillés, rythmée par les coups de scie de Régis, au demeurant forts raisonnables sur le plan des décibels.

VENDREDI 29 juin 2012 DOURGNE / REVEL

Ce sont les piafs qui nous réveillent avec les premiers rayons de soleil, ils ont décidé de nous rappeler pourquoi nous sommes là, comme le clairon réveil matin d'une caserne.(soldat lève-toi, soldat lève-toi bien vite...) On s'extirpe tant bien que mal de la tente, plutôt mal, quelques étirements, un massage sur l'esquine qui avait perdu l'habitude de dormir sur la « dure », et direction les sanitaires pour un brin de toilette, à l'eau froide bien sûr; on installe le petit déjeuner sur la seule table du camping « deux étoiles », une vieille charrette. La journée s'annonce belle, et l'objectif est aujourd'hui raisonnable: relier le camping de Revel en passant par Sorèze. Etape disons normale; peu de kilomètres (21) mais beaucoup de montées et de descentes

Un peu avant midi, le premier objectif est atteint. Après avoir couvert treize kilomètres, nous entrons dans Sorèze où une mission nous attend. Sur l'avenue principale on pose les sacs, et Régis se met en quête d'une boulangère avec de belles miches (de pain bien sûr) c'est chose faite et Régis revient avec une belle miche, mais sans la boulangère. Nous flemmardons quelques instants sur le banc public, et un Sorèzien ayant repéré nos sacs s'arrête pour nous faire un brin de causette sur le chemin de Compostelle qu'il a déjà fait; nous prodigue quelques recommandations notamment au niveau de l'approvisionnement en eau, surtout pour les prochains jours, et nous quitte en nous souhaitant « bon camino ». Puis dans la minute qui suit devinez qui voilà? La Normande et la Munichoise. Nous leur indiquons où faire leur approvisionnement, et nous filons vers notre mission, qui se situe à l'abbaye école de Sorèze. En effet, une amie de Régis, également amatrice de marche à pied lui a demandé d'aller rechercher dans la galerie des anciens de cette école, la présence de membres de sa famille. Après avoir déposé nos sacs, nous pénétrons très religieusement dans cette école qui avait été en son temps dirigée par le Révérend Père Lacordaire. Immense galerie quadrangulaire dans laquelle se trouvent encadrées, et écrites en lettres gothiques toutes les promotions d'élèves depuis que l'école existe. Et il yen a. Heureusement l'année de la promotion nous avait été précisée. But atteint, les deux frangins sont bien là. On prend le cadre en photo afin d'amener une preuve. C'est avec beaucoup de fierté que les anciens disent avoir suivi leur scolarité dans cette école réputée, car elle a produit beaucoup de célébrités, dans tous les milieux: politique avec Jean Pierre Fourcade (ancien ministre des finances de Giscard d'Estaing), Gilles de Robien (ancien ministre de Nicolas Sarkosy), sportif avec Pierre Jonquière d'Oriola (médaillé olympique en hippisme)} scientifique avec les frères Bogdanoff, artistique avec Hugues Auffray et bien d'autres encore. Nous avons profité de l'occasion pour faire tamponner notre « crédential ». Premier tampon avant bien d'autres.

Il est midi, alors après la nourriture de l'esprit, la nourriture de l'estomac. A la sortie de l'abbaye école, une esplanade avec un coin pique-nique nous tend les bras. Au menu, devinez quoi? Pastis, puis tomate - saucisse sèche - babybel, et oui, on ne change pas une équipe qui gagne. l'herbe était fraiche, un saule pleureur faisait de l'ombre au bord d'un petit ruisseau, rien de tel pour faire une petite sieste avant de parcourir les huit kilomètres qui nous séparent de Revel.

Revigorés par le « festin » et par la sieste, nous reprenons notre périple. La sortie de Sorèze n'est pas loin, un rond-point, on prend à gauche, et nous voilà sur les chemins qui doivent nous faire rejoindre la Rigole de la Plaine Cette dernière nous conduira direct sur le camping de Revel. Il est un peu moins de quatre heure de l'après-midi, nous pénétrons dans le camping, le gardien n'est pas là. Nous jetons notre dévolu sur une parcelle, et commençons à nous installer en attendant l'arrivée de ce brave homme. Une bonne douche, enfin chaude, et chacun prend soin de ses pieds qui ont commencé à souffrir. Et puis on commence à réfléchir sur le menu du soir. Nous sommes à Revel, alors pourquoi pas un bon cassoulet arrosé d'un bon vin rouge.(et avec ce genre d'idée vous voulez perdre des kilos vous 7) On demande au gardien qui était enfin arrivé où nous pouvons faire nos emplettes, et nous revoilà parti vers le centre de Revel où siège une magnifique halle abritant un des plus beau marché de France. On en aura la confirmation le lendemain. Le centre-ville est assez loin, au moins deux kilomètres, mais on commence à avoir l'entrainement. Enfin nous voilà sur les artères principales du centre-ville, un supermarché est bien là, bien achalandé, et nous trouvons sans problèmes les objets de notre désir, à savoir un bon cassoulet de Revel, et un bon Minervois rouge. Ça changera du menu des repas de midi. Avant de repartir, la terrasse d'un café nous dit « venez, venez", tentatrice comme une sirène. Vu la chaleur, une et peut- être deux bières fraîches ne seront pas de refus. On se laisse tenter. On se prélasse un moment, et on constate avec bonheur que le chemin de Saint Jacques passe pile devant la terrasse du café, les repères rouge et blanc sont là, sur le poteau d'un panneau de signalisation. Il fait quand même bien les choses Saint Jacques. Demain on n'aura pas besoin de chercher.

 De retour au camping, c'est l'heure du pastis. On s'installe sur le coin repas du camping, et devinez qui est là? Notre voisin Gardois du camping de Dourgne. Sa tente est installée juste devant le coin repas On lui offre le pastis qu'il accepte du bout des lèvres en disant que d'habitude il n'en boit pas. Menteur va ! On ne le dit pas mais on le pense très fort. Avez-vous déjà vu un Gardois qui ne boit pas de pastis? Là-bas, pendant les fêtes d'été et les courses de vachettes, le pastis se vend au mètre, sans parler des beuveries anisées de la féria de Nîmes. Alors à d'autres. Le cassoulet ne fera pas un pli, et la bouteille de vin non plus On est bien calé pour rejoindre notre couchette. Ce soir, le concert se fera par deux orifices... Bonne nuit! Si Régis n'a pas oublié les boules Qujes, il a oublié la pince à linge. Devinez qui va se venger?

SAMEDI 30 JUIN 2012 REVEL Lac de Lenclas / CHATEAU LA GINETTE Lieu dit La Belle Etoile 

Finalement, la nuit sera calme et quasiment inodore; le taux de fermentation du cassoulet de Revel doit être inférieur à celui de Castelnaudary, certainement une histoire de haricot. Sur pied dès l'aurore, nous prenons une douche car la route va être longue, et nous sommes quasiment certains que nous ferons du camping sauvage. Le petit déjeuner est vite avalé, le bivouac vite plié, et nous rejoignons le centre-ville pour faire la jonction avec le GR. Nous passons devant ce qui nous avait été annoncé comme un des plus beau marché de France, et effectivement le renseignement n'était pas faux. Bien qu'il soit de bonne heure, une multitude de commerçants s'affairent, sous et autour de la halle, à monter les étals qui vont ou qui déjà regorgent de marchandises, et surtout des produits de bouche. Les volailles qui commencent à tourner devant les rôtissoires dégagent un fumet qui nous titille les papilles, les naseaux et nous excite l'estomac. Il faut vite partir de là sinon on va y passer la journée, et ce n'est pas le but.

La journée va être bien remplie. Premier objectif avant midi, le lac de Lenclas, soit environ quatorze kilomètres. On sort de Revel à grand peine tellement les bruits et les odeurs du marché nous harcèlent. Nous rejoignons la Rigole, petit canal qui amène les eaux de Saint Ferréol jusqu'au Canal du Midi via le Seuil de Naurouze. Nous allons le suivre pendant un bon moment, précisément jusqu'au Seuil de Naurouze, point de partage des eaux. D'un côté les unes filent vers la Grande Bleue, de l'autre vers l'Océan. Le ciel est toujours ensoleillé, mais les arbres qui bordent la Rigole, sont une protection efficace contre la chaleur. Comme le sentier est plat, nous filons bon train malgré le poids du sac qui tire sur nos épaules. Une curiosité s'offre à nous non loin du Lac de Lenclas : un aqueduc qui enjambe une voie ferrée. L'objectif de la matinée n'est pas loin. Une toute petite demi-heure, et nous voilà sur le site du Lac de Lenclas. Site qui semble fréquenté vu le nombre de véhicules sur le parking, et qui est agrémenté d'une petite guinguette. Un peu moins de onze heures trente; que fait-on? D'abord on se repose sur un banc, puis on commence à lorgner vers la petite auberge qui accueille une noce. On ne parle pas, mais on pense la même chose" « Est-ce que malgré la noce ce petit restaurant pourrait nous accueillir? » Apparemment oui, car d'autres tables commencent à être occupées par des gens étrangers à la noce. On y va ? On y va ! Ça nous changera du menu habituel de midi, vous savez? Tomates à la croque sel! saucisse et babybel. Nous voilà bien installé sur la terrasse. Régis jette son dévolu sur une assiette de charcuteries très copieuse! et pour dessert assiette du berger avec tout un assortiment de fromages! toute la gamme y est: vache! brebis! chèvre. Serge qui avait choisi un morceau de viande et une glace est interloqué par la capacité d!ingestion de Régis. « Tu vas le finir? » Le petit sourire en coin de Régis ne laisse planer aucun doute sur la réponse

Rassasiés, nous nous remettons en route, faisons le tour du lac, et rejoignons la Rigole. Comme pour la suite, les moyens d'hébergements, normalement signalés sur la carte, brillaient par leur rareté pour ne pas dire par leur inexistence, nous convenons de continuer le plus loin possible, et le plus tard possible, et de nous arrêter dès qu'un endroit sera propice à accueillir notre bivouac Un peu de camping sauvage ne nous fera pas de mal. De toute façon, il n'y a pas d'autres solutions. Au fur et à mesure que nous progressons, Régis tire sur sa gourde. L'assiette de salaisons choisie au restaurant est en train d'accomplir son œuvre. Et c'est là que nous comprenons la mise en garde de la veille prodigué par le Sorézien, d'être vigilants sur l'approvisionnement en eau. Effectivement, de l'eau il n'en manque pas dans la Rigole, mais sa couleur n'est pas très engageante, et il n'y a aucun point d'eau potable pour recharger nos gourdes. Même pas une ferme avec un simple robinet dans la cour Tant pis, on boira de l'eau de la Rigole qui par endroit est vive. Avec une pastille d'hydrochlonazone, et en la faisant bouillir ça ne devrait poser aucun problème. On ne prend jamais assez de précautions; il ne faudrait pas, demain, partir comme des canards.

Environ quinze kilomètres après avoir quitté le Lac de Lenclas et avoir passé le château de la Ginette dont nous ne verrons que le toit, car perché sur une hauteur et dans les arbres, les jambes commencent à se faire lourdes, le sac n'en peut plus de tirer sur le dos, et le temps devient menaçant. Il est l'heure de trouver un petit coin pour planter notre bivouac. Après plusieurs essais en contrebas de la Rigole, c'est finalement un petit coin en retrait du canal qui semble le plus plat et qui offre une épaisseur d'herbe digne d'un matelas. Fin de la journée qui aura compté quand même vingt-neuf kilomètres. C'est pas mal. Un coup d'œil sur la carte, et ironie du sort, le coin que nous avons choisi se situe sur le lieu-dit La Belle Etoile. C'était prédestiné.

Après avoir monté la tente, on s'accorde un petit repos bien m-"'érité, puis enfin on s'occupe de nos pieds qui commencent à faire Iq gueule. Pour Serge, quelques échauffements, mais ça ira, le fait de mettre les pieds dans les pantoufles va permettre de calmer ces échauffements; pour Régis par contre deux magnifiques ampoules sous chacun des pieds ont fait leur apparition. Régis ironise: « avec de telles ampoules, on pourrait marcher de nuit» dit-il. Pour l'occasion, Serge se transforme en infirmier, il sort la trousse à pharmacie, une aiguille et un briquet, stérilise l'aiguille à la flamme du briquet, et perce les ampoules (C'est fini, on ne pourra plus marcher de nuit.) Cette « opération » a pour effet de soulager Régis. Avec la flotte qui est sortie de la dedans, on comprend aisément sa souffrance Demain matin on mettra des pansements et ça devrait aller.

Après un petit repas frugal, direction la tente. La fatigue aidant on s'endort mais pas pour longtemps. D'abord des chiens dans une ferme proche entament un concert d'aboiements (peut-être nous ont-ils sentis) puis un peu plus tard un bruit de musique comme pour une « rave » nous sort des bras de Morphée. Boum boum  boum. Une fête dans une campagne proche bat son plein. Manquait plus que ça. Difficile de se rendormir; il faudra une bonne heure si ce n'est pas plus (quand on n'aime pas on ne compte pas). Puis sur le coup de cinq heures du matin on est à nouveau réveillé par un crépitement contre la toile de tente. Super! C est complet, il pleut! Tu parles d'une belle étoile, il y a un bon moment qu'elle s'est camouflée derrière les nuages qui ne s'embarrassent pas de principes pour nous déverser de la flotte dessus. Heureusement la tente était bien imperméabilisée, et malgré une bonne averse tout est resté bien au sec. Il ne restera plus qu'à se lever pour attaquer une nouvelle journée.

DIMANCHE 1er JUILLET 2012 La BELLE ETOILE / VILLEFRANCHE de LAURAGAIS- VILLENOUVELLE

La tente est trempée mais elle a bien tenu le coup il ne reste plus qu'à éponger tant bien que mal avec du papier toilette (ça sert vraiment à tout) avant de la remettre dans son sac. Vu I'état du ciel nous prenons la précaution de nous équiper pluie. Serge se limite au protège sac Régis ne résiste pas à l'envie d'étrenner son poncho et ses guêtres. On dirait un petit lutin (et comme le dit la chanson de Paul Presbois : « p'tit lutin, p'tit lutin, ne va pas dans la forêt »)

Le ciel est gris, le plafond est bas, pour le moment il ne pleut pas, mais il faut s'attendre à prendre quelques grains au cours de la journée. La progression le long de la Rigole reprend. Pas de risque de se perdre, il faut la suivre jusqu'au Seuil de Naurouze (cher à un type génial, Pierre Paul Riquet) qui est situé à environ six kilomètres.

D'un pas joyeux et décidé, d'autant plus décidé que le ciel menace toujours, nous relions sans encombre, et toujours sans la pluie, le Seuil de Naurouze. Nous passons devant la station de pompage, et arrivons sur ce qui était un ancien bassin, mais qui comblé par les limons est devenu une sorte de canal circulaire bordé de platanes. Nous visitons ce lieu ou tout un système de canaux d'écluses et de déversoirs nous laisse rêveur sur l'ingéniosité de Pierre Paul Riquet, et nous arrivons sur le Canal du Midi que nous allons suivre pendant un très court moment pour rejoindre un chemin qui coupe la départementale 311, et qui va nous faire monter au village de Monteferrand. Effectivement ça grimpe. Ce village au sommet duquel nous croisons l'église (privée maintenant) et les vestiges d'une fortifications avec une porte monumentale, est chargé d'histoire: oppidum celte, puis point stratégique sur la «Via Aquitania », puis refuge de parfaits jusqu'à ce qu'il soit assiégé par Simon de Monfort..., il y a même un sémaphore destiné à l'époque au balisage pour les vols de nuit de l'aéropostale Après ce bref plongeon dans l'histoire, nous quittons ce belvédère, pour redescendre, et prendre pour azimut un champ d'éoliennes qui doit nous conduire à Avignonet Lauragais avec son église remarquable et son clocher de 42 mètres de haut. Une fois en bas, nous pensons remonter vers les éoliennes, mais non, on les laissera pour atteindre le village côté est. Dans le village, nous espérons pouvoir trouver du pain, mais le chemin que nous fait emprunter le GR nous éloigne du centre et donc de tous les commerces; pas grave on se contentera de ce que l'on a. Village chargé d'histoire également, où notamment pendant la croisade des Albigeois, certains prélats inquisiteurs furent occis sans ménagement par des chevaliers occitans, venus de Mirepoix, et qui défendaient la cause cathare. L'Occitanie ne s'en relèvera pas quand même... mais quand on sait que les méchants sont punis, ça réconforte.

Après avoir de nouveau effectué une bonne grimpette (décidémment on n'arrête pas de monter et de descendre, ça change de la veille), au sortir du village une petite construction où se situe le captage d'une source nous incite à remplir nos gourdes. 'inscription «eau non potable» n'a aucun effet sur nous tellement cette eau est fraîche et limpide. On en boit et on en reboit. A force de grimper nous voilà sur le plateau qui accueille la ferme éolienne. Quelques gouttes commencent à se faire sentir sur nos avants bras. Mais ça ne sera pour le moment que quelques gouttes. On traverse d'immenses champs de tournesols puis nous redescendons dans une petite vallée où nous décidons de casser la croute en face d'un silo (toujours le même menu), car à ce moment, le ciel est plus que menaçant. On décide de manger le plus rapidement possible afin de rejoindre Villefranche de Lauragais avant de prendre un déluge. Onze kilomètres séparent Avignonet de VillefrancheJ ville où nous comptons bien trouver un hébergement.

Ce n'est pas un déluge mais une bonne " ragintade » comme on dit chez nous} et qui va nous accompagner sur les six derniers kilomètres. On est trempe comme des soupes. Enfin I'entrée de Villefranche, la pluie a cessé. Nous arrivons dans le centre-ville et nous nous mettons sous un abribus comme deux clodos pour rechercher un hébergement. Le topoguide indique qu'à Villefranche il y a des hôtels, mais pas de gîtes} et pas de campings (bizarre pour une ville de cette importance). Il y a trois hôtels, sur trois il y en aura bien un qui voudra de nous, bien que nous soyons très humides. Le premier est là, juste en face de l'abribus. Il semble fermé. On sort le téléphone, on compose le numéro, ça sonne, une fois, deux fois, trois fois...puis la messagerie nous dit: " désolé, nous sommes fermés le dimanche ».

Ce n'est pas de la stupeur qui se lit sur nos tronches, mais de l'incrédulité. Ce n'est pas vrai en pleine saison, un hôtelier qui se permet de fermer le dimanche, il doit être " pété de tunes ». Bon, on va essayer les autres hôtels.

Même refrain pour les autres: fermé le dimanche! Mais c'est quoi ce patelin (parce qu'on ne peut plus appeler ça une ville) 7. On est sur une autre planète ou dans la troisième dimension. On est compté K.O. debout; on va être obligé de faire à nouveau du camping sauvage, et on en a pas envie, mais alors pas du tout, surtout sous la pluie. On reste sonné pendant quelques minutes, puis l'esprit combatif qui nous anime depuis le début reprend ses droits. Serge sort son  Iphone, et consulte les pages jaunes (c'est beau la technique et les nouveaux moyens de communication, comment il faisait au moyen âge ) On interroge, les possibilités d'hébergement sur Villefranche et les alentours.

Mais c'est le désert ici, il n'y a pas grand-chose, juste des chambres d'hôtes à Villenouvelle (qui n'est pas bien loin). On appelle. Saint Jacques, faites qu'il y ait enfin quelqu'un décidé à travailler. Vœux exaucé! Une voix au bout du fil avec un léger accent étranger. Pas de problème, il lui reste une chambre pour deux personnes, et si on veut, il peut venir nous chercher. Ca y est, on revient à la civilisation. Banco, on accepte tout, même le prix. Evidemment ce n'est pas un gîte pour pèlerin. La demeure est très belle, tenu avec goût par un couple d'Irlandais, la chambre est d'excellente qualité, et la table le sera aussi. Mais tout cela a un prix: soixante euros par personne pour la demi-pension. Vu la qualité de l'hébergement et de l'accueil, c'est plus que raisonnable.

On s'installe, puis, à chacun son tour la douche, dans un sanitaire de premier choix. On va bien dormir on teste la literie en se laissant tomber lourdement sur le lit, elle est top. On met notre toile de camping à sécher dans la cour sous un auvent, et on attend l'heure du repas. Dix-neuf heure trente, l'heure de l'apéro. Les autres convives sont là dans le petit salon. Il y a un Irlandais d'un âge certain, mais qui se tape le Compostelle, un couple de jeunes parisiens très sympathiques qui font un énorme périple à vélo, et deux couples de frontaliers avec la Suisse. On parle de choses et d'autres, puis notre hôte nous invite à passer à table. Repas succulent avec salade composée, confit de canard, fromage et dessert, le tout arrosé de vin de la région. Repas animé où chacun y va de sa petite histoire, et de ses impressions (seuls les frontaliers Suisses sont un peu à côté de la plaque). Puis Regis capta toutes les attentions et ravit la vedette en sortant quelques bonnes histoires de son cru déclenchant l'hilarité de tout l'auditoire. La soirée se terminera relativement tard sur cette note comique, et nous nous glisserons avec délice dans une literie d'au moins trois étoiles (pas comme au camping de Dourgne qui n'en comptait que deux).

LUNDI 02 JUILLET 2012 VILLENOUVELLE / BAZIEGE - MONGISCARD - DEYME

Un coup d'œil dans l'entrebâillement des volets, le soleil est là, la journée sera belle, une bonne douche, puis direction la salle à manger pour le petit dej, bon, mais qui n'avait rien d'extraordinaire si ce n'est qu'il était accompagné par des mirabelles cueillies dans le jardin de notre hôte. Un surplus de vitamines. Il en faut, la journée va être longue. Après avoir quitté la maison Joséphine (c'était son nom), on s'arrête sur l'avenue principale de Villenouvelle pour réapprovisionner la cantine dans une supérette, et dix minutes après, nous sommes à nouveau sur le sentier, à travers bois, puis à travers champs, toujours en grimpettes puis en descentes douces. On retrouve un peu de goudron, puis de nouveau sur le sentier qui redescend vers une petite vallée ornée d'une petite chapelle posée là, au milieu de nulle part, mais qui est ravissante comme tout. Il s'agit de la Chapelle Sainte Colombe. On pose les sacs et on sort l'appareil photo. Un bruit de conversation juste derrière nous, il s'agit de deux Toulousains qui font eux aussi le chemin, et qui sont partis de Montpellier pour rejoindre Toulouse où ils habitent. On sympathise, et nous les abandonnons pour poursuivre notre chemin jusqu'à Baziège. On franchit un petit ruisseau, puis on part plein Est, en longeant une sorte de petite falaise, avec en point de mire les premières constructions de Baziège. Deux kilomètres plus loin, une autre grimpette, et nous voilà à l'entrée de Baziège, à côté d'une grande parcelle clôturée comme si c'était Fort Knox, vu les cris qui sortent de cet endroit, il semblerait que ce soit un élevage de paons. Quelques frondaisons nous procurent un peu d'ombre, et nous incitent à reposer nos sacs. Serge pris d'une envie subite s'isole pour satisfaire un besoin très naturel; afin de mieux tenir sa banane, il pose celle qu'il a autour de la taille pour être moins encombré. Alors qu'il finissait d'enquiquiner les coccinelles et qu'il faisait tomber la dernière goutte, voilà les Toulousains qui rappliquent, il remet le tuyau à sa place, et de nouveau causette avec les Toulousains. La discussion durera un court instant, mais suffisant pour que Serge en oublie de récupérer sa banane qu'il avait déposé dans l'herbe. Les sacs sont à nouveau sur le dos, et direction le centre-ville de Baziège. Au passage, nous saluons deux maçons qui refaisaient une clôture et un jeune qui devait être avec eux, et qui s'amusait. Au bout de cinq minutes de marche, Serge se tâte la ceinture; « P ma sacoche! Je l'ai oublié à l'endroit où j'ai pissé! P de Toulousains, ils m'ont fait parler et j'ai oublié de la ramasser» Il tombe le sac et part en courant à l'endroit où il l'a laissé. De toutes façons pensa-t-il, si un randonneur l'a ramassé, il est obligé de passer par où nous sommes passés Mauvaise déduction, car arrivé à l'endroit précis où il avait satisfait son petit besoin, point de randonneurs, et point de sacoche. En l'espace de même pas dix minutes quelqu'un l'avait ramassée. ! Alors là se dit-il je suis à poil, plus de portefeuille donc plus de papiers, plus de carte bancaire, plus de chèques, plus d'espèces, plus d'appareil photos, plus de montre, plus de téléphone... tout était dedans. Les maçons étaient toujours là, mais pas le jeune; Serge leur raconte sa mésaventure et leur demande s'ils n'avaient pas vu passer du monde. A part vous personne d'autre répondent-ils, apparemment sincèrement désolés de la mésaventure, maÎs le gamin n'était plus là, impossible de le questionner. Avec plein de jurons dans la tête, Serge rejoint l'endroit où il avait laissé Régis. A sa tronche, pas la peine de demander si la sacoche avait été retrouvée. Deux solutions dit Serge: « OU on rentre, ou je vis à ton crochet jusqu'à ce qu'on revienne chez nous ». A l'unanimité c'est la deuxième solution qui est retenue. Régis prête son téléphone pour faire opposition à tout, et suspendre l'abonnement du téléphone, et puis direction la Mairie de Baziège, sans trop d'illusions, pour voir si par hasard quelqu'un l'aurait retrouvé, mais surtout pour signaler la perte. Bien sûr personne n'avait ramené quoique ce soit; l'employée de mairie nous conseille d'aller faire une déposition à la gendarmerie de Montgiscard. Pas de problème, c'est sur le chemin.

On sort de Baziège, et on profite d'un coin pique-nique pour casser la croute, mais sans grand appétit. Par le goudron on rejoint le Canal du Midi qui va nous mener directement à Montgiscard. Après une étape bière à l'écluse de Montgiscard, on se met en chemin pour rejoindre la gendarmerie, évidemment elle est située à l'extrémité du village, à deux bons kilomètres. Serge raconte sa mésaventure au gendarme de service; vu sa tronche, ça avait l'air de le faire ch de prendre la déposition. Puis coup de théâtre, la porte de la gendarmerie s'ouvre sur Régis accompagné d'un brave type qui avait trouvé la sacoche et ramenait le tout. Le gendarme était soulagé car il n'aurait pas a enregistrer de déposition, mais pas autant que Serge qui n'en revenait pas. Le gars lui raconte qu'il avait trouvé tout ça éparpillé non loin de chez lui alors qu'il promenait son chien.

« Attendez brave homme je vais vous récompenser », Serge attrape son portefeuille, l'ouvre pour prendre un billet...mauvaise surprise, toutes les espèces avaient disparues. Régis est une fois de plus mis à contribution, et se fend d'un billet de cinquante euros que Serge promet de lui rendre une fois rentrés, avec tout le reste car étant donné que la carte était en opposition et que le chèque aussi, il était toujours privé de subsides et devait continuer à vivre au crochet de Régis. Serge essaye de remettre sa banane autour de la taille. Surprise, il manquait entre quinze et vingt centimètres pour pouvoir boucler la ceinture. Quelqu'un avait essayé de la mettre, et il ne devait pas être épais. Les soupçons se portent sur le jeune qui était avec les maçons, mais allez donc prouver quelque chose. Peu de temps après; Serge s'apercevra qu'il manquait aussi la montre qui faisait beaucoup de choses sauf le café: altimètre, boussole, baromètre, chrono.,... Ah elle donnait aussi I~eure et la date. C'est une montre qui valait cher.

C'est l'esprit un peu plus soulagé, qu'on reprend le chemin vers l'écluse de Montgiscard. Pas de boutique pour faire un loto, vu les circonstances, c'était le moment d'en faire un, tant pis. Tous ces kilomètres en plus, il ne fallait plus lambiner; un coup d'œil sur la carte et le topo nous indique qu'il n'y a rien comme hébergement jusqu'à Pechbusque (autrement-dit l'entrée de Toulouse), soit plus de 17 kilomètres. Vu l'heure ça faisait beaucoup. Autre alternative, garder le canal du midi, se dérouter au bout de 5 kilomètres pour rejoindre Deyme, situé à 2 kilomètres d'une écluse, et où il y a un camping C'est beaucoup plus raisonnable, après toutes ces émotions et ces efforts. Les cinq kilomètres au bord de canal se feront sans trop de difficultés, entre l'autoroute et la nationale 113, un peu bruyantes avec la circulation de l'été; Seul avantage, l'ombre procuré par les arbres qui bordent le canal. Nous voilà au pont qui va nous permettre de traverser le canal et de rejoindre Deyme, le panneau indiquant le camping nous rassure. Le temps pour couvrir les deux kilomètres semble une éternité, mais enfin le camping est là, au bord de la nationale. Super! On ne va pas faire la fine gueule, la fatigue étant là, le sommeil ne sera pas trop perturbé malgré le bruit de la circulation. A l'entrée de l'accueil, Régis laisse tomber son sac, juste sur un bougainvillier récemment planté; la gérante du camping manque de s'étrangler, Régis se confond en excuses que la gérante accepte volontiers, et pour le coup, elle va nous amener sur notre emplacement avec un petit véhicule électrique en principe prévu pour des déplacements de golfeurs, des fois que l'on soit à l'origine d'une nouvelle catastrophe. Elle a décidé d'avoir un œil sur nous. Arrivés sur la parcelle, des chaises nous tendent les accoudoirs. On ne se fait pas prier, premier travail, se déchausser et s'occuper de nos pieds qui ont encore soufferts; une fois massés et cajolés, on les glisse dans les pantoufles. Deuxième travail avant la douche, le pastis, un pour la soif, un pour le plaisir. Attablés devant le pastis et les pantoufles aux pieds, la gérante qui revenait d'accompagner, avec sa « Papamobile », d'autres campeurs, éclate de rire en voyant le tableau. La douche est prise, le bivouac est monté, un petit casse-croute, et extinction des feux.

MARDI  03 JUILLET 2012 : DEYME-SAINT SERNIN / LEGUEVIN

Le petit déjeuner sera l'occasion du briefing pour l'organisation de la journée. On peut rejoindre le chemin, que l'on avait abandonné la veille au profit du canal du Midi, en faisant deux kilomètres plein sud pour rejoindre Montbrun le Vieux, mais inconvénient, on va se taper toute la banlieue Sud de Toulouse, aucun attrait. On décide donc de rejoindre le Canal du Midi, et de pénétrer dans Toulouse par cette voie. Le Canal du Midi arrive en plein cœur de Toulouse, et on est obligé de passer sur le pont canal; un ouvrage qui a toujours laissé Serge admirateur chaque fois qu'il y passait en dessous avec sa voiture. Comment peut-on faire passer par voie aérienne un canal au-dessus d'une route. ? Encore une merveille d'ingéniosité, parce qu'il n'y a pas une seule fuite.

Bonne pioche, non seulement le cheminement est agréable, mais à l'approche de Toulouse, on va découvrir tout le pittoresque du Canal. Au fur et à mesure que l'on approche de la capitale de l'Occitanie, un nombre incalculable de péniches réformées depuis que la batellerie sur le canal du Midi a cessé, sont amarrées le long des berges, et ont été aménagées avec beaucoup de goût en habitations ou en guinguettes. Avant de pénétrer dans Toulouse, on passe devant le port fluvial, à gauche, de l'autre côté du canal, on était loin de penser pouvoir trouver une telle infrastructure, puis un peu plus loin, à droite le « port mange pomme », où grouille toute une activité liée à la navigation fluviale, ateliers, accastillage, ca1es sèches... Impressionnant. Le cœur de Toulouse est vite là, et nous décidons, à contre cœur de quitter le canal non loin de la gare Matabiau, et non sans avoir auparavant avalé le traditionnel repas de midi au bord de son eau verte (comme le chante Nougaro).

Un bon kilomètre nous sépare de la basilique Saint Sernin, point de chute incontournable pour tout pèlerin. Le clocher pointe derrière un groupe d'anciens immeubles, tel un phare. Nous nous dirigeons vers lui. La basilique est magnifique, on aura un peu le plaisir gâché, car elle est en travaux, et des échafaudages masquent son entrée. Premier travail, admirer l'intérieur, le cœur, la nef, puis faire tamponner le «crédencial ». Ceci fait, nous regagnons l'extérieur, ou l'on pourra constater que les alentours de ces lieux sont fréquentés par une certaine faune proche des anciens détrousseurs et coupeurs de jarrets. Quelques jeunes s'approchent de nous, nous flattent, et nous proposent de boire un coup avec eux. Vu, l'accoutrement de-ces jeunes et le contenu de la bouteille, sans étiquette bien sûr, ça sent le traquenard. Mais les gars n'insistent pas trop, vu nos regards, et sans doute notre morphologie d'anciens rugbymen On quitte Toulouse, direction Blagnac Cornebarrieu et Léguevin.

Léguevin, premier travail, trouver la maison du pèlerin. C'est chose faite, la demeure est ouverte, mais personne pour nous accueillir, seulement un numéro de téléphone. On appelle, c'est Bernadette qui nous répond, elle nous invite à nous installer dans ce petit nid douillet, et dit qu'elle va nous rejoindre un peu plus tard. En attendant, Régis échangerait bien ses pieds tellement ils lui font mal. Il se précipite dans la pharmacie toute proche, et fait une razzia sur tout ce qui est pansements, pommades... sur les conseils éclairés du pharmacien qui pratique beaucoup la marche et la course à pied. De retour, il prend sa douche puis demande à Serge d'éteindre les ampoules qui illuminent ses pieds. Effectivement, ce n'est pas des ampoules qu'il a sous les pieds, c'est des bocaux à poisson; des trucs énormes; pas étonnant qu'il fasse la grimace. Serge s'assoit sur le fauteuil de la chambre, Régis sur l'autre, et pose le premier pied sur les genoux de Serge qui pour l'occasion va se transformer à nouveau en infirmier pédicure. Même procédure que la dernière fois, on crève ces poches. La pression était si forte que dès la mise en perce du premier bocal une giclée vient atteindre Serge en plein visage. Impressionnant, un véritable pistolet à eau. Eclats de rire, et puis on passe à la mise en place de pansements et de coussinets pour finir le travail. Pour le coup, Régis est enfin soulagé, il peut remettre ses arpions dans les pantoufles.

Le gite n'est pas immense, mais il est très agréable, une petite cour, un petit coin cuisine, et un dortoir six personnes rien que pour nous. Les sanitaires sont à l'étage. C'est vieux, mais propre et bien entretenu, et pour douze euros par personnes qu'est-ce que vous voulez de plus? Bernadette arrive toute heureuse d'avoir des pèlerins avec qui faire la causette. Et pour la causette, elle est championne du monde. Vous lui dites « bonjour! », elle vous dit le reste. Elle ne vous laisse pas en placer une. Incroyable moulin à paroles; son mari, pauvre homme, doit être soulagé quand elle quitte la maison pour faire les courses, ou s'occuper de l'installation des pèlerins.

Malgré cela elle est d'une gentillesse extrême, elle nous a amené du café, de la confiture, elle ouvre le frigo et dit que l'on peut manger ce qui reste (des pâtes laissées par des randonneurs de passage la veille qui ma foi semblent  appétissantes), elle parle de choses et d'autres, presque elle en..oublierait d'encaisser les nuitées. Elle nous tamponne le crédencial, et puis elle nous parle de la région, et enfin elle nous explique comment rejoindre le chemin dès demain matin; ça, c'est utile Tout cela aura pris plus d'une heure. Du temps qu'elle parlait, on échangeait des regards complices qui voulaient dire: « comment fait-on pour lui enlever la pile pour qu'elle se taise? ». Puis enfin ça s'arrête, on voudrait bien prendre un petit pastis et manger. Par politesse on lui propose de boire l'apéro avec nous, mais elle refuse gentiment en disant qu'elle ne boit pas d'alcool, par contre on ne lui propose pas de manger avec nous, pour sûr elle aurait accepté. On n'a pas de mal à imaginer ce qu'aurait été le repas. Et puis il n'y aurait pas eu assez de pâtes qui étaient délicieuses.

La journée a été longue, la fin de journée aussi, la nuit sera très réparatrice. Demain petite journée pour rejoindre la porte de la Gascogne: L'Isle Jourdain.

MERCREDI 04 JUILLET 2012 LEGUEVIN / L'ILE JOURDAIN

Petite étape, donc on prend notre temps pour déjeuner, et l'on quitte ce gite où l'on a passé une excellente nuit. Vu que l'on était les seuls occupants, seules les araignées ont été dérangées par nos ronflements, mais elles ne se sont pas plaintes. On réapprovisionne en tomates et en saucisse sèche, et !'on cherche une boulangerie que l'on ne tarde pas à trouver. Ici aussi la boulangère a de belles miches, on lui en achète une. C'est le meilleur compromis, non seulement elles se conservent bien, mais elles ont une forme qui épouse bien la forme du sac en haut, au niveau du rabat.

On traverse la nationale, on quitte le village, et en route pour la forêt domaniale de Bouconne. Après trois kilomètres sur un petit chemin goudronné, on pénètre enfin dans la forêt, on rejoint le GR 653, et on retrouve les balisages en forme de coquille. La journée est ensoleillée, le cheminement à travers bois nous préservera de l'insolation. Bois très agréable, où le chemin évoluera en angles droits, au gré des parcelles. Une petite flèche nous proposera une variante par Pujaudran, soi-disant sur le chemin historique de saint Jacques, mais nous l'ignorerons pour garder le GR qui nous mènera à travers vallons et champs de blé directement à l'Isle Jourdain. D'en haut le spectacle de la moisson est saisissant. De grosses moissonneuses avec d'énormes barres de coupe avalent les épis de blé, et ne s'arrêtent que pour vider dans d'énormes remorques, c'est une noria incessante. ('est un peu comme qui dirait leurs vendanges à eux, mais avec un matériel un peu plus conséquent. Quoique nos machines à vendanger sont pas mal non plus. Entre temps, aux alentours de midi, alors que nous mangions devinez quoi? Un couple de femme, certainement une mère et sa fille, nous avait doublé après avoir échangé quelques mots. On les retrouvera par la suite au gite communal de l'Isle Jourdain.

Quatorze heures, nous sommes à l'entrée de L'Isle Jourdain.(ville de Claude Augé, un des directeurs des Editions Larousse) Coup d'œil sur la carte, si l'on suit le GR, il nous fait faire une boucle inutile pour contourner la ville et arriver au plan d'eau où se situe l'office du tourisme et le gite municipal, alors qu'une variante permet de relier le centre-ville et ce même plan d'eau; et comme on a une énorme envie de bière... Un kilomètre et demi après, nous sommes en plein centre-ville en face devinez quoi? Un bistrot avec une terrasse très accueillante, et une gargotière très sympathique qui voyant nos sacs à dos, comprend quel chemin nous faisons, et nous donne plusieurs renseignements au niveau du ravitaillement dans l'Isle Jourdain, et un bon point de chute à Gimont qui est notre prochaine étape. Un demi, deux demis, là on commence à aller mieux. De la terrasse, on voit l'incessant manège des camions et des tracteurs qui transportent la moisson de blé. Ca n'arrête pas. On confie nos sacs à la gargotière, et on remonte l'avenue pour aller au supermarché le plus proche acheter le repas de ce soir. On opte pour une choucroute à la bière. Et dire que l'on était parti pour faire une cure d'amaigrissement! Ce n'est pas une bonne médecine ça. Mais bon comme on crame tout ce que l'on mange, et que de temps en temps on doit aussi tirer sur les réserves, une petite entorse ne peut pas faire de mal. Le problème, c'est qu'il y en a beaucoup des entorses, sauf à midi quand même.

Il est pas loin de seize heure, nous récupérons nos sacs, prenons congé de la gargotière avec beaucoup de remerciements, et nous nous acheminons vers le plan d'eau (base de loisirs de la ville), où se trouve le gite communal. Il nous faudra un bon quart d'heure pour y arriver. On passera devant un château coincé entre plusieurs maisons, un camping et une usine désaffectée. C'est vrai qu'il est magnifique ce plan d'eau, et cette base de loisirs avec beaucoup de sports d'eau; elle est très complète. Ça grouille de monde. Aucunes difficultés pour trouver l'office du"tourisme et le gite qui le jouxte. On rentre dans l'office pour confirmer notre réservation téléphonique du matin, on paye la nuitée, et on rentre prendre possession des lieux. Trois chambrées l avec plus ou moins de couchages, deux sont déjà occupées. Les occupants ne sont pas là, mais lorsqu'ils arriveront l'on n'aura plus qu'à constater que l'on se connait déjà. On va se rafraîchir sous la douche. Mauvaise surprise la cabine est tellement étroite  qu'on la dirait faite pour des mannequins maigrichons pas pour nos carrures d'athlètes. On fera avec bien obligé. On regagne notre chambrée on s'installe pour une petite sieste et on ferme à clé pour que si quelqu'un de plus arrive il aille dans une des autres chambres.

Pas de chance demi-heure après deux gars arrivent, et frappent avec insistance à notre porte. Pas de bol. On ouvre et ces deux gars un chauve et un chevelu, entrent en s'excusant et prennent possession des lits encore libres. Ils regretteront après d'avoir choisi notre carrée. Ils sont de Béziers et on commence à sympathiser, on parle bien sûr de rugby et des vicissitudes de Narbonne et de Béziers. Puis ils regardent nos sacs; les leurs étaient tellement petits qu'on se demandait ce qu'il pouvait y mettre dedans. « Combien ils pèsent? » nous demandent-ils. « Vingt kilos pas un de plus pas un de moins» nous répondons. Incrédule l'un d'eux s'approche et essaye de soulever un sac. « Haouf! P c/est vrai! » dit-il avec un regard admiratif. « On s'est tapé quinze ans de légion » mentons- nous « alors vingt kilos pour nous c'est de la rigolade ». On a tellement bien menti avec un tel aplomb que c'est passé comme une lettre à la poste. Du coup nous suscitons le respect.

Avant d'aller préparer le repas, on va un peu se dégourdir les jambes (c'est vrai qu'elles ne sont pas trop sollicitées) autour du lac. Cygnes, canards et oies égayent ce plan d'eau de leurs cris « mélodieux ». Puis tout à coup une goutte, puis deux, puis plusieurs, viennent nous frapper le visage. On lève le nez, et des nuages menaçants, annonciateurs d'orage, viennent obscurcir le ciel. On se dit qu'on a de la chance de ne pas dormir sous la tente cette nuit. Une petite pluie nous raccompagne vers le gite; Tant mieux, c'est l'heure de la popote, La cuisine est libre, on s'installe et on commence à réchauffer notre choucroute qui embaume tout le gite. Puis qui voilà? Les toulousains qui n'en reviennent pas de nous voir ici, on dirait même que ça les fait ch.." et quelques instants après les deux nanas qui nous avait doublé aux alentours de midi. Seuls les biterrois optent pour le restaurant. Le repas sera bien animé, et les discussions iront bon train; Vers dix heures, tout le monde regagne sa couche, et Ies blterrois ne tardent pas a arriver à leur tour. On les prévient: « vous avez cinq minutes pour vous endormir, après on ne répond plus de rien ». Régis met ses boules, Serge fait un gros effort pour ne pas s'endormir avant les autres. Tout va bien jusqu'à ce que l''orage éclate et réveille tout le monde (sauf Régis qui avait ses boules dans les oreilles; on se demande encore comment il fait). les coups de tonnerre suivent les éclairs de près, on l'a sur la tête, et la pluie tombe avec une rare violence. Serge se précipite pour fermer la fenêtre et tout le monde essaye de se rendormir. Ce coup-ci, c'est Serge qui s'endort en premier. Au beau mil.ieu de la nuit il va sentir son lit bouger. C'est son voisin du dessus qui n'en peut plus de l'entendre ronfler et qui secoue le montant du lit superposé comme un vieux prunier. Serge ouvre un œil, il comprend, «Je devais ronfler, et c'est pas du goût du Monsieur chauve de Béziers ». le matin on se réveille frais comme des gardons. Nos deux compagnons de chambre ont les traits tirés, des yeux de merlan frit, et la gueule des mauvais jours. «On a ronflé?» questionne ingénument Régis, avec un demi sourire qui en disait long, et en s'enlevant les boules des oreilles. Il n'avait même pas entendu l'orage. «P..., il ne faut pas en enlever un pour mettre l'autre, quand un s'arrêtait, !'autre prenait le relai... tu parles d'une nuit » répondirent en cœur les deux biterrois.

JEUDI 05 JUILLET 2012  L'ILE JOURDAIN / GIMONT

Une étape un peu plus longue que la veille nous attend: vingt-cinq kilomètres pour relier Gimont. Après le petit déjeuner, on est les premiers sur le sentier. La fraîcheur qu'a laissée la pluie de cette nuit est très agréable. Le ciel est chargé mais pas menaçant. Pendant un bon kilomètre, on longe la rivière Save, puis pendant un kilomètre de plus, on longe la nationale 124 en contrebas, puis ça sera la voie ferrée que nous longerons pendant un court moment. C'est à ce moment-là que nous entendons arriver les toulousains, ils vont nous doubler en nous disant bonjour du bout des lèvres. Mais qu'est- ce qu'on leur a fait à ces bougres. Ce doit être simplement du dépit; ils nous ont vu à Toulouse avec nos énormes sacs alors qu'ils n'avaient quasiment rien sur l'esquine, et ils pensaient ne plus nous revoir. Loupé! On les talonnera encore pendant quelques kilomètres, juste pour leur confirmer que nous n'étions pas des « pinks floyds », et pour que leur dépit se transforme en haine. Ça devait-être des enseignants (ils avaient la tronche de Monsieur-je-sais-tout) qui ne comprenaient pas que leur déduction à fortiori exactes pour eux ne se soient pas avérées exactes Comme tout bon enseignant, on hait ce que l'on ne comprend pas.

Puis à l'occasion d'un long passage sur un chemin bordé d'arbres ce sont les biterrois qui nous dépasseront. D'abord le chauve, puis un petit moment après, le chevelu, qui bavardera un moment avec nous avant d'accélérer le pas pour ne pas se faire distancer par son collègue. «J'espère qu'on ne dormira pas dans le même gite ce soir » lança-t-il avec un sourire et un clin d'œil On gardera tout ce petit monde en point de mire pendant un bon moment encore. Enfin quelques instants après c'est les deux femmes qui à leur tour nous doubleront. Elles aussi avaient des sacs qui pouvaient à peine contenir leur trousse à maquillage. Finalement les seuls escargots avec leur maison sur le dos, c'était nous. Nous atteignons Monferran Savés vers les onze heures. Joli petit village situé en hauteur. Descendre, monter, virer, bifurquer, c'est tout ce que nous ferons jusqu'à atteindre Giscaro où la pause casse-croute s'impose. Juste à l'entrée du village, un petit coin pique-nique ombragé nous attendait, et juste en face un bâtiment équipé de sanitaires complétait le confort de ce lieu. Juste huit kilomètres nous séparaient de Gimont. Impeccable le timing était bien respecté. Un peu plus de deux heures après, nous étions dans les faubourgs de Gimont après avoir eu en point de mire le magnifique Château Larroque. On remonte l'avenue principale, on passe devant l'imposante église Notre Dame. Et qui dit église, dit non loin de là, chapelle. Vous savez celles que fréquentent habituellement les messieurs quand les dames, elles, assistent à l'office religieux. Il y en avait une sur la place, petit bistrot typique du Gers, on l'on avait le culte des courses de vachettes, et des courses landaises. Un bistrot vivant, comme on les aime, avec des types forts en gueule mais braves comme du bon pain. Dans ce genre de lieu la bière ne peut-être que meilleure. C'était le cas.

La veille, sur les conseils de la gargotière de l'Isle Jourdain, nous avions réservé par téléphone, au gite « l'étape Gimontoise ». Nous quittons à regret ce lieu de perdition, et nous nous acheminons vers la halle couverte qui date du quatorzième siècle et non loin de laquelle se situe notre gite. Arrivé sur la place, surprise, nos toulousains sont là, attablés à la terrasse d'un bistrot moins pittoresque que celui que nous venions de quitter, et faisaient les jolis cœurs auprès des deux nanas qui suivaient le même chemin que nous. Un petit signe de la main suffira pour leur faire voir que nous aussi nous étions là. On fait une centaine de mettre dans la rue Nationale, et nous voilà devant  une magnifique maison de caractère " ornée d'une imposante coquille" ne laissant aucun doute sur la destination de cette bâtisse. On appelle par téléphone le maître des lieux qui arrive au bout de cinq minutes. Personnage fort sympathique qui a aménagé cette vieille demeure avec un goût infini et avec qui nous allons bavarder pendant un bon moment. Puis après avoir beaucoup échangé avec ce Monsieur nous prenons une bonne douche et repartons en ville à la recherche d'un bout de pain. Tout le gite sera pour nous personne d'autre et c'est tant mieux on ne se voyait pas faire le repas avec la tronche des toulousains en face. Au lit de bonne heure car demain ultime et longue étape qui doit nous mener à Auch qui sera l'aboutissement de ce premier périple de neuf jours puisque le dixième sera consacré au retour dans nos foyers respectifs par voie ferroviaire.

VENDREDI 06 JUILLET 2012  GIMONT / AUCH

C'est minimum trente kilomètres qu'il va falloir avaler. On pensait couper cette étape en deux, mais malgré des pieds en compote, on se sent fort, on commence à avoir l'endurance des vieux routards. Et puis, il ne faut pas se louper, la petite sœur et le beau-frère de Régis qui sont en villégiature dans un camping proche d'Auch nous attendent avec impatience. D'ailleurs, la petite sœur téléphonait tous les jours pour suivre notre progression. Elle se le couve son petit frérot, et c'est très bien.

Levé de bonne heure, douche rapide et petit dej. tout aussi rapide, et l'on quitte cette belle demeure où l'on a passé une excellente nuit. On descend l'avenue nationale, on arrive en bas de la ville, on franchit la Gimone, et on s'achemine vers la Chapelle de Cahuzac (une vrai chapelle celle-là). Un petit doute sur le chemin à prendre, on s'assoit sur un banc on fait un point avec la carte, et hop en route pour l'Isle Arné et son château que nous atteindrons vers dix heures. Rien ne vient ni perturber, ni pimenter notre progression qui se fait le plus souvent par des chemins ombragés sur un relief gersois très vallonné. Puis de l'Isle Arné, on redescend dans une petite vallée traversée par l'Arrats, et nous remontons sur Lussan. Un bon petit dénivelé qui nous fera arriver à la côte 224 d'où nous dominerons Lussan et ses deux lacs. Aux alentours de midi, nous arrivons à Caillau après avoir eu une belle vue sur le Château de Roquetaillade. Ça sera la pose « croustet » juste en face d'une petite auberge. Sur un banc à l'ombre, on solde ce qui reste dans la cantine, car ce soir nous n'aurons plus qu'à mettre les pieds sous la table. Une petite gamine s'amuse avec son jeune chien qui n'écoute absolument rien mais on arrivera à le dompter avec des rondelles de saucisse. Cette pauvre petite n'arrivait pas à ramener son chien à la maison. Nous avons mis un bout de saucisse dans sa petite main, et on lui a expliqué qu'elle devait le lui faire sentir sans le lui donner, et qu'il la suivrait sans hésiter jusqu'à chez elle. Malgré son jeune âge, la pitchounette avait parfaitement saisi le stratagème, et c'est sans aucune difficulté que le chien l'a suivie jusqu'à la maison.

Fiers de cette bonne action, nous nous dirigeons vers la petite auberge pour prendre un bon café, et faire remplir nos gourdes avant de reprendre le sentier. A ce moment-là on se trouve à environ dix kilomètres d'Auch. On s'admire, on a «tartiné» comme des malades. C'est bien, mais nos pieds existent et nous rappellent qu'ils sont là car ils nous font un mal de chien. Donc on va réduire la cadence. On n'est pas aux galères.

C'est sur une cadence un peu moins soutenue, et avec des arrêts assez fréquents que nous allons rejoindre Auch via Montégut (la digue, la digue...) et son château des Comtes d'Armagnac. Et voilà, il est un peu moins de seize heures, et nous sommes dans les faubourgs d'Auch, en face d'une zone artisanale. On lit sur le topo « possibilité de prendre la ligne 3 du réseau urbain qui amène au centre-ville )}, et au même moment le téléphone de Régis sonne. C'est Nicole la petite sœur: « où vous êtes? )> questionne-t- elle. « A l'entrée d'Auch " répond Régis. « Bougez pas on arrive ". Dix minutes après, c'était les retrouvailles avec beaucoup d'émotion. « Qu'est-ce qu'on fait ?. Direction le centre-ville et la cathédrale pour faire tamponner nos « crédit-bail )>. Auch est une ville magnifique, les vieux quartiers autour de la cathédrale sont pittoresques et très vivants, quand à la cathédrale Sainte Marie, n'en parlons pas, c'est un véritable petit bijou d'architecture. Après avoir fait tamponner nos carnets de route, nous sortons, une petite photo sur le parvis pour immortaliser le moment, et surprise qui sort de la cathédrale en même temps que nous? Les Biterrois qui nous avaient abandonné après l'Isle Jourdain. Très heureux de nous retrouver, on échange quelques mots, eux avaient fait un autre découpage du tronçon l'Isle Jourdain - Auch. Mais le résultat était là, nous nous retrouvions en plein centre d'Auch. Etonnant non?

Plus rien ne s'opposait maintenant à ce que nous rejoignons la, pardon, les résidences secondaires de Nicole et Jacques au camping de Boulogne sur Gers. Deux magnifiques mobil home abritaient les vacances de Nicole et Jacques et de toute leur sympathique famille. Un petit coin de -"rêve. Rien n'était trop beau pour nous, nos hôtes ne savaient pas quoi faire pour nous faire plaisir et pour rendre notre court séjour le plus agréable possible. On était soignés, bichonnés, dorlotés... Dommage qu'il faille quitter ce havre de paix dès le lendemain. La soirée où les grands enfants et les petits enfants de Nicole et Jacques étaient venus se joindre à nous se prolongea assez tard, avec un peu de vent dans les voiles; heureusement le lit n'était pas loin.

Le lendemain il fallait quand même se résoudre à rentrer. La gare la plus proche: celle de Saint Gaudens ; nous nous étions renseigné sur l'heure des trains, il y en avait un en fin de matinée. Nous voilà dans le hall de la gare, direction les guichets. Mauvaise surprise, le train que nous avions choisi était complet. La seule possibilité, un train à seize heures de l'après-midi, changement à Toulouse pour un TGV, avec arrivée prévue à Narbonne à dix- neuf heures. Il fallut donc revenir au camping, ce qui a remis Jacques et Nicole à contribution. Pour la suite tout se passa normalement, arrivée à Narbonne à l'heure prévue où nous attendait Martine et Francine.

Recit...suite...

L'été est passé, l'automne arrive avec toute sa douceur, son calme, ses couleurs; Régis a rentré la vendange; idéal pour reprendre le « camino ». On a refait le plein d'énergie, on a changé les pneus (chaussures neuves), et on a allégé nos sacs (terminé les bivouacs et les nuits à la belle étoile, on a décidé d'aller de gîtes d'étape en gîtes d'étape, c'est pas que nous soyons des fadas du confort, mais on tient a épargner nos pauvres épaules et nos guibolles). C'est Karine qui va nous driver jusqu'à Auch. 06H30 c'est le départ.

SAMEDI 06 OCTOBRE 2012  AUCH / L'ILE JOURDAIN / BARRAN 

08h45 on est dans les faubourgs de Auch! 09h00 en plein centre! non loin de la cathédrale. Un petit bistrot nous accueille! café pour les uns, chocolat pour les autres, et puis c'est la séparation; comme à son habitude Martine à la larme à l'œil de se séparer de son Régis, et Karine nous submerge de recommandations.

L'étape sera courte, 16 km (idéal pour une mise en jambe). Le chemin, non loin de la cathédrale est vite retrouvé, grâce aux flèches. La sortie d'Auch ne demande pas longtemps, et nous revoilà dans la « pampa " où l'on a tout loisir pour admirer fleurettes et animaux sauvages. La discussion va bon train, Régis remarque que beaucoup de glands étaient tombés ce qui nous amène naturellement sur le thème de cette matinée: un déshabillage en règle de certains élus de nos villages communs. Un surtout est à l'honneur (talonneur? Non je crois qu'il jouait troisième ligne). Bref tous ces calembours et quolibets divers nous font presque oublier que l'on est dans le Gers, et que ça monte et ça descend, tellement on rigole, on ne sent plus les côtes, mais on se tient les nôtres. On traversera le bois d'Auch, puis la forêt domaniale d'Armagnac, où un panneau attire notre attention sur une palombière ; on est en plein dans la culture et la tradition Gersoise. La palombe est aussi vénérée ici qu'en Pays Basque. Après un casse croute de midi disons traditionnel (tomate, saucisse sèche et babybel) pris sur les bords de l'Auloue, et un petit siestou bien mérité, on s'achemine sans trop se presser vers Barran, on laisse a gauche un ancien lavoir très pittoresque. Il est 16h00, et nous voilà devant cette belle, bastide construite en 1278, où l'on peut admirer une tour-porte monumentale avec son pont, ses remparts et ses fossés, et, autre curiosité un clocher hélicoïdal (soi-disant qui il n'en existe que 33 en France). Après une séance photos, on pénètre dans la ville intramuros à la recherche. de notre hôte, un nommé Moïse VIGNAU, qui accueille les pèlerins. Régis avait pris soin de réserver. Au passage, la terrasse d'un café nous fait des clins d'œil. On se fait pas prier et on commande deux mousses. Nous sommes rejoints par des Québécois, très sympathiques, qui suivent le même chemin que nous, et avec qui nous échangeons quelques impressions. Allez c'est pas tout, il faut trouver Moïse. c'est pas sans mal, sa maison est nichée dans une petite rue du village qui n'est pourtant pas grand; on a du mal à trouver malgré quelques demandes de renseignements a des autochtones qui ne semblent pas le connaître, ou qui ne veulent pas le connaitre. Enfin, on découvre le personnage, car c'en est un, et sa modeste demeure dont il loue une petite chambre pour arrondir sa maigre retraite. Quand on dit petite, elfe est vraiment petite, comme le lit que l'on doit partager. Le bonhomme est petit, chauve, il en a rien à foutre de tout, il connait tout, il sait tout il a tout fait et quand il nous remet sa carte nous sommes impressionnés, et nous nous mordons les lévres pour ne pas éclater de rire. Tenez vous bien, le personnage est à la fois: Astrothérapeute, Magnétiseur, Phytothérapeute (il soigne par les plantes), il fait des régressions dans les vies antérieures avec médium, Géobiologiste, et il soigne aussi les dépressions sévères.

Il nous tiendra le crachoir pendant tout le repas du soir, et quand il ne parle pas, c'est qu'il s'interrompt pour faire de grands « siurrrrp » en avalant sa soupe, et il repart de plus belle. On sait presque tout de sa vie. La nuit sera réparatrice, et malgré l'étroitesse du lit chacun aura trouvé un repos réparateur. Passage à la salle de bain, puis descente à la cuisine, pour le petit déj. Il était là le bougre, il nous attendait avec impatience, et hop la machine a paroles se remet en marche. Autant dire que le déjeuner a été avalé à la vitesse grand V, et nous nous retrouvons dans la rue sac à dos chargé, avec Moïse derrière nous. Séance photos, et là nous le lâchons vraiment, presque en courant. Sacré Moïse...

DIMANCHE 07 OCTOBRE : BARRAN / MONTESQUIOU - LIGUETON

Moïse va encore nous suivre par la pensée pendant un bon bout de chemin, car il est impossible d'effacer de notre mémoire un tel personnage. On quitte Barran par le goudron, mais pas longtemps, on bifurque sur la gauche et on attaque une bonne grimpette jusqu'à un point culminant « La Sabathère », où l'on a une vue imprenable sur toute la plaine éclairée par les premiers rayons de soleil" puis après une petite progression en crête, on atteint le bois du Chapitre, et l'on redescend sur l'Isle de Noé. Après Moïse, c'est Noé, décidément nous n'avons à faire qu'à des figures bibliques qui ont toutes deux une relation avec l'eau. Nous, la seule relation que l'on a avec l'eau, c'est le pastis. Une fois passé le charmant village de 'lsle de Noé qui dans un but de défense stratégique a été construit, dans l'angle que forment les deux Baïses, nous filons vers Montesquiou. Nous croyons nous rappeler que Montesquiou se situe en pays d'Armagnac; tout le long du chemin on a cherché les vignes, en vain, on en a trouvé que deux. Il faudra donc poser la question de confiance à un autochtone dès qu'on le pourra: «avec quoi faites vous de l'armagnac? ». Nous voilà devant Montesquiou, nous passons devant l'incontournable statue en terre cuite de Saint Jacques, et pénétrons le village fortifié qui est bâti sur un éperon rocheux, nous le traversons et sortons par une porte monumentale, et redescendons plein sud dans la plaine où coule la rivière liasse. Plus que quatre kilomètres environ nous séparent de notre objectif de la journée qui est le gîte de Ligueton. On traverse l'asse (qui n'est pas à moelle), puis nous voilà en bordure de la D 34 qu'il faut traverser en direction de Ligueton. Nous passons devant une ruine à droite, nous laissons une laquette à gauche, et nous quittons le chemin de Saint Jacques pour rejoindre la ferme de Ligueton où nous avions réservé;

Une bonne grimpette par le goudron, une première ferme, c'est pas celle-là, la seconde un peu plus loin est la bonne. Nous sommes accueillis par le propriétaire du gîte, gars très sympathique, nous échangeons quelques mots, et au cours de la conversation, nous apprenons qu'il n'aime pas la chasse, encore moins les chasseurs, il est limite végétarien, et il est membre de la LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux), et copain avec la tête à claques Jacques Bougrain Dubourg ; aie aie aie, Serge change de sujet, des fois qu'il lui prendrait l'envie de ne pas vouloir nous héberger. Il nous installe dans le gîte, grande salle commune, où les couchages sont séparés par des rideaux, mais c'est nickel, de même que le coin cuisine et les sanitaires. Nous ne sommes pas seuls, un gars de la Creuse est là, et nous avons tôt fait de sympathiser. Un seul défaut (pour nous gens du Sud) : « c'est un fouteux », Président de club de surcroit. Comme Serge est Vice Président d'un club de rugby, les échanges vont bon train. En attendant l'heure du repas, on essaye de trouver le maître des lieux pour voir si par hasard, il n'aurait pas une bonne bouteille de « picrate » au fond de sa cave à nous vendre. La veille on avait acheté une bonne boite de cassoulet, manière de se caler avec quelque-chose de consistant, mais on avait oublié de quoi l'arroser. « Je vais voir dit-il, mais en vin je n'y connais pas grand chose! ». Décidément pense Serge, il n'aime pas la chasse, il connait rien au vin... comme la vie doit lui paraître triste. Bien qu'on lui ait demandé un vin du cru, il se ramène avec une bonne bouteille de Bordeaux. « C'est tout ce que j'ai trouvé ». « Ça fera l'affaire » rétorque Serge avec un sourire amusé. Et pour le prix demandé, on fait une bonne affaire. On s'installe à table, Daniel (l'amateur de ballon rond) n'en revient pas quand il nous voit sortir le cassoulet. Il comprend maintenant pourquoi nous tenions vraiment a avoir du vin. La nuit va être musicale, entre les gaz et les ronflements... Trois ronfleurs dans la même pièce, et un seul sans boules Kies... Devinez qui?

LUNDI 08 OCTOBRE : LIGUETON - POUYLEBON-SAINT-CHRISTAUD / MARCIAC

La nuit, bien que musicale et odorante a été réparatrice, et c'est tant mieux, car une grosse journée nous attend pour rejoindre Marciac. Vingt kilomètres. Daniel nous demande si on ne voit pas d'inconvénients à ce qu'il se joigne à nous pour continuer le chemin. Aucun problème, bien au contraire, plus on est de fous plus on rit, et comme c'est un gars qui partage nos valeurs et qui correspond exactement à nos standards, nous sommes enchantés.

Après une brêve descente, nous rejoignons la bifurcation qui mène à Pouylebon, et reprenons le GR 363. Chemin faisant, nous découvrons Daniel, qui nous dit qu'il a fait ses premières armes dans la quincaillerie, et qu'il a fini marchand de roulettes. Quand on y réfléchit... on s'aperçoit qu'il y a des roulettes partout. Il avait trouvé la bonne gâche. Nos échanges nous conduisent presque sans s'en apercevoir à l'église Saint Christophe (saint patron des voyageurs) à Saint Christaud. Pour arriver jusque là, le cheminement s'était fait en sous bois, (par le grand bois de Bassous) bien à l'abri des rayons du soleil qui aujourd'hui avait décidé de briller. Devant l'église de brique rouges (qui autrefois devait accueillir des pèlerins), un banc occupé par un couple de Suisses, que nous retrouverons de temps en temps. Nous pénétrons dans cette église dont la fraicheur nous ravigote. De suite rentré, dans une petite niche à droite un objet qui a du inspirer Georges Brassens pour l'une de ces chansons. Un corbillard mais celui là, il était vraiment de nos grands pères. Après une brève visite, nous reprenons le sentier jusqu'à la montée de Monlezun. Sacrée montée qui va nous tirer des gouttes de sueur d'un litre chacune. Il est pas loin de midi et nous arrivons sur la hauteur du bourg où trônent l'église et son cimetière. Nous décidons de stopper là, sur une petite aire aménagée pour le casse croute. Le cimetière nous fournira l'eau pour le pastis de midi et pour remplir nos gourdes pour le reste du chemin. Une fois la cantine remplie, nous reprenons la route en direction de Marciac, dans la descente, nous passons devant les ruines du château des comtes de Pardiac, le reste du chemin se fera à travers champs; une nouvelle montée, puis nous apercevons Marciac, puis descente vers un lac d'irrigation, et Marciac disparaît une fois de plus dans la végétation; on avait I'impression que plus on avançait, plus elle reculait. Enfin, une route bordée de platanes, et nous voilà dans les faubourgs de Marciac, on aperçoit le clocher de cette ville célèbre pour son énorme festival de jazz. Nous voilà sur la grand place, sous les arcades un bistrot, les fauteuils semblent hospitalier, et la bière bien fraiche. Nous avions déjà réservé dans un gîte, nous décidons de céder à la tentation; on était pas pressé. Après absorption de ce breuvage que les Gaulois appelaient déjà « la Cervoise », on repère une supérette pour nos emplettes du soir, et nous nous acheminons vers un gîte pour lequel les propriétaires, tout au  long du chemin avait pris soin de faire de la « pub" sur de petits~panneaux en ventant les talents de la cuisinière qui soi-disant faisait un couscous extraordinaire.

Après la coopérative! nous pénétrons dans une sorte de corps de ferme qui avait été aménagé pour accueillir les voyageurs par un gars qui lui aussi! savait a peu près tout! qui avait beaucoup voyagé et qui avait ramené une femme Marocaine (d'où le couscous). Nous pénétrons dans le bâtiment principal, le maître des lieux nous accueille! échange de courtoisies! puis il nous montre où nous installer et nous dit « a ce soir, je crois que vous avez réservé trois couscous ». Nous sommes interloqués car à part le gîte! nous n'avions rien réservé du tout (c'est ce qui s'appelle forcer la main). Nous nous regardons puis finalement! bof, pourquoi pas! ne rien faire et mettre les pieds sous la table! c'était pas pour nous déplaire! et puis si le couscous était préparé par une marocaine... il ne pouvait qu'être bon. Nous nous installons dans une tour de trois étages! au choix, car nous étions les seuls. Le premier étage n'était pas fini! le second bien que fini était douteux! le troisième était disons acceptable; c'est lui qui aura notre préférence. Une bonne toilette! une virée en ville pour faire nos achats! et l'heure du repas n'était pas loin.

Nous voilà à table en salivant à l'avance sur le couscous. Déjà quand il arrive sur la table, nous échangeons des regards interrogateurs: « c'est quoi ça », et pourtant on est pas des adeptes. la suite nous confirmera notre impression première. la semoule n'avait aucun goût, la viande cuite à l'eau était dure et baignait dans un vague jus, les légumes étaient insipides, et les sauces qui normalement auraient du relever étaient à proprement parler dégueulasses; pas de quoi a provoquer une crise d'hémorïdes. Entre le couscous, et la conversation de nos hôtes qui nous prenait le choux, la soirée s'est avérée calamiteuse. Il nous tardait qu'une chose, filer au lit. C'est pas ce soir que nous aurions une insomnie suite à une indigestion. A oublier.

MARDI 09 OCTOBRE 2012 :  MARCIAC - AURIEBAT /  MONBOURGUET

Le couscous ne nous ayant pas fichu un coup sur l'estomac, c'est d'un pas léger et d'une humeur joyeuse (malgré la déconvenue) que nous reprenons le sentier. On commence a prendre un peu de hauteur à travers champs et un dernier coup d'œil sur Marciac et sa spécialité « le couscous à l'eau » qui n'en doutons pas va détrôner le festival de jazz. Si la digestion a été rapide, on en parlera longtemps encore.

L'étape n'est pas longue: dix kilomètres pour arriver à Auriébat et huit pour arriver à notre destination Maubourguet. Montées et descentes à travers champs, après trois kilomètres, nous traversons la rivière l'Arros, et à peu près un kilomètre plus loin nous traversons le ruisseau de Lascors qui marque la limite entre le Gers et le Hautes Pyrénées. Nous sommes maintenant pour peu de temps « Hauts Pyrénéens ». Un kilomètre et demi plus loin, nous arrivons à un carrefour. Interrogation sur le chemin à prendre, absence de marque, une dame qui nous semblait bien brave, nous indique qu'il faut quitter le goudron et prendre en face à travers champs. Effectivement un petit sentier était marqué par de fréquents passages. Nous faisons confiance sans vérifier sur notre topo guide, et rapidement le sentier bien que s'estompant, nous conduit dans un bois où la plus rien. Nous sommes trois, nous partons dans trois directions, et au bout d'un moment nous revenons tous trois bredouilles, et là nous comprenons que cette S s'était bien foutu de nous. Nous revenons sur nos pas dans l'espoir non seulement de retrouver la bonne route, mais également pour parler du pays à cette bourrique qui nous a volontairement envoyé au diable vaux verts. A moins qu'elle ne soit un peu «neu-neu », mais ça nous ne le saurons jamais parce qu'elle s'était empressée de disparaître. Finalement, il fallait garder le goudron, la marque était légèrement plus haut. A partir de ce moment, on décide de ne plus faire confiance qu'à nous et notre topo guide.

Un kilomètre encore, et nous prenons à gauche un chemin pierreux qui s'enfonce en sous bois et qui monte vers Auriébat, enfin un peu d'ombre qui rend la progression plus facile. Au sortir du bois, après une butte, l'église d'Auriébat s'impose à nous, comme une ogive posée sur sa rampe de lancement. Imposante, impressionnante, on se doute qu'aux temps anciens elle devait constituer un repère, un sémaphore, pour les pèlerins qui n'avaient pas la chance comme nous d'avoir de nombreux repères peints en rouge et en blanc. Le reste du chemin jusqu'à Maubourguet, après avoir rencontré une fois de plus nos amis Suisses, se fera sans encombre et sans difficultés particulières.

Premier travail en arrivant à Maubourguet, trouver le Syndicat d'Initiative auprès duquel nous avions réservé, par téléphone, un chalet sur la camping municipal. Chose faite, nous obtenons notre sésame pour ce camping qui est situé non loin de là, en bordure du cours d'eau !. Nous nous~installons dans un ravissant petit chalet très accueillant, équipé d'une terrasse qui sera le cadre du repas que nous allons acheter à la supérette du centre ville. Notre choix se porte sur une boite de cassoulet qui sera arrosée par une bonne petite bouteille de picrate. Une petite gâterie pour dessert, et le bonheur sera complet. Une fois les courses faites, nous recherchons une chapelle pour humidifier nos gosiers qui commencent à s'assécher. Un bistrot qui semble être le siège du rugby local aura nos faveurs. Nous sommes à peine installés que nous nous faisons interpeller. Nous nous retournons, et oh surprise nos amis Suisses sont là. La dame s'approche de nous et commence a nous conter ses mésaventures. Nous n'avions jamais vu une Suissesse aussi coléreuse et aussi grossière. Au détour du chemin ce brave couple avait été pris en chasse par un énorme chien (à leurs dires), et ils en ont été quitte pour une belle frayeur, car le représentant de la race canine n'avait pas du tout l'intention de les laisser passer et leur montrait sa belle dentition. Tant bien que mal ils ont réussi à s'échapper mais en y laissant une bonne dose d'adrénaline. « ah le con! Il voulait nous mordre, j'en ai le poil encore tout hérissé etc etc », avec plusieurs grossièretés bien pesées qui dans la bouche de cette charmante Helvète, nous laissèrent perplexe quand à la légendaire réserve des Suisses.

A près avoir poliment écouté les mésaventures de nos amis Suisses et leur avoir conseillé, au cas où il y aurait une prochaine fois, d'avoir dans le sac du poivre pour le balancer dans les naseaux du chien, nous prenons congé, et nous nous acheminons vers notre chalet pour préparer et prendre notre repas du soir. Super soirée où nous avons essayé de convertir notre ami Daniel aux vertus du ballon ovale. Nos arguments ne l'ont pas laissé insensible. Il nous faudra une bonne nuit de sommeil, car demain l'étape jusqu'à Anoye compte pas mal de kilomètres. Un peu plus de vingt quatre.

MERCREDI 10 OCTOBRE 2012 :  MONBOURGUET - LAHITTE TOUPIERE - ANOYE

De bonne heure, nous quittons à regret notre petit chalet, et nous laissons derrière nous, à la fraîche, Maubourguet pour rejoindre lahitte Toupière. A mi-parcours, un long passage en sous bois, très agréable, va nous permettre de continuer à l'abri du soleil. Et nous voilà déjà arrivé, bien calé~ sur notre horaire, à Lahitte Toulière située à la limite de Béarn et de la Bigorre. Deux kilomètres après, un coup d'œil sur la carte, et on décide de lâcher le chemin qui ne semble pas offrir un grand intérêt, et qui plus est, semble s'élever; la départementale 48 nous mènera directement au village de Lacoume où nous reprenons le GR pendant environ quatre kilomètres avant de renouveler la manoeuvre pour rester dans la plaine. On doit bien manger dans la région car nous croisons une grand nombre de porcheries en plein air, avec des gorets bien dodus. Dans les yeux de Régis, qui regarde ces braves bêtes avec bienveillance, on peut voir des saucisses, des jambons, des boudins, des côtelettes, des coustellous, des gigots..., miam miam miam! Puis notre cheminement se fera sans encombres jusqu'à Anoye (et pas Hanoi... trop facile) où nous nous mettons à la recherche d'un ancien hôpital qui avait été transformé, faute de malades, en gîte communal. Nous avions réservé, la veille, par téléphone, et comme un fait exprès, nous étions attendus car à l'entrée du village, dans son jardin, le maire veillait. Ce brave homme nous indique le chemin, « vous verrez c'est pas compliqué, c'est en face l'église... Je vous rejoins; et si vous voulez, il y a une petite épicerie de dépannage sur place pour acheter de quoi à vous restaurer pour ce soir » . « Il Y a même des bières? » questionne Serge. « Oui, oui il y a même du pinard »... Le visage de Serge s'illumine, le Paradis sur terre.

Effectivement, nous arrivons devant une grande bâtisse., sur la droite, en face de l'église, nous nous installons dans la petite cour en attendant que l'on vienne nous ouvrir les portes de la demeure et de l'épicerie. Ce sont deux dames très gentilles qui nous accueillent, et qui nous dévoilent ce que contenait leur cantine, enfin leur garde manger, enfin l'épicerie quoi. Nos emplettes faites, le choix de Régis s'étant porté sur un bocal de foie gras et une bonne bouteille de blanc liquoreux (vivons sur le pays), nous prenons possession de nos chambres, c'est nickel. Une bonne douche, et nous descendons pour satisfaire notre curiosité, car les braves dames nous avaient également indiqué la présence d'une source, derrière la bâtisse, qui soi-disant guérissait ou soulageait le mal aux pieds. Sans trop y croire, nous y avons quand même trempé nos pieds, chacun à son tour ... des fois que... on sait jamais. Hommes de peu de foi que nous sommes. Mais qu'est ce qu'on fout sur les chemins de Saint Jacques!

JEUDI 11 OCTOBRE 2012 :   ANOYE / MORLASS

Oh douce nuit! Que cette nuit à Anoye. Un calme à peine dérangé par les mouches qui avaient osé pénétrer les lieux, et ue literie a soigner tous les insomniaques de la création. Mêmes les ronflements de Régis sont passés inaperçus. C'est en pleine forme, et avec des pieds tout neufs (tiens donc) que nous nous réveillons. Un solide petit déjeuner, et nous quittons sans trop nous presser cet ancien hôpital, et ce charmant petit village pour la destination Morlaas. Petite étape; seize kilomètres, de la rigolade, pour ne pas dire une formalité pour les marcheurs que nos sommes devenus.

Tout au long des kilomètres, nous nous apercevons que l'économie agricole locale change. Ce n'est plus des cochons, qui attirent nos regards, mais de jeunes et jolis petits foies gras sur pattes qui font coin-coin.

A peu près cinq kilomètre plus loin, le sentier pénètre dans un hameau qui semble s'appeler d'après la carte: Pédelagrave, où nous rejoignons la départementale 7 qui croise la départementale 286. Juste à cet endroit un ravissant coin pique nique. l'endroit idéal pour se reposer devant une tasse de café (couillon) préparé par Serge avec son petit réchaud. l'ami Daniel n'en revient pas d'une telle organisation.

Bon il s'agit pas de trop lambiner, quelques kilomètres nous séparent encore de Morlaas.

Nous pénétrons une zone agricole plutôt axée sur la céréale. La récolte de maïs bât son plein. D'énormes moissonneuses fauchent les cannes de maïs, et vomissent de l'autre côté les grains qui coulent comme une cascade jaune dans une benne menée par un tracteur. Nous ne pouvons pas nous empêcher d'assister à ce spectacle et d'admirer les progrès de la mécanisation. Quand on pense qu'il y a quelques décades encore tout celase faisait à la main.

La chaleur devient accablante entre Gabaston et Morlaas. De gros nuages noirs menaçants commencent à s'accumuler sur notre droite, plein Nord, et ne laissent présager rien de bon. Arrivera-t-on à Morlaas avant de prendre un grain sur le coin de la figure? C'est là toute notre question, et nous forçons l'allure pour arriver secs à notre destination.

Plus que deux kilomètres, les nuages, le tambour et les éclairs sont là, mais pas encore la pluie. Plus qu'un kilomètre et nous pénétrons dans un sous-bois qui nous procure la sensation d'être enfin à l'abri. l'illusion-.,.ne durera que quelques minutes. Sur un gros coup de tonnerre, le ciel déverse sur nous un déluge; il n'y a pas d'autres mots tellement le phénomène est intense, un rideau de pluie. En l'affaire de quelques minutes, le sentier se transforme en bourbier, tellement il pleut l'eau ruisselle de partout. Nos ponchos sont d'une bien piètre protection tellement l'averse est dense. Nous sommes trempés de la tête aux pieds. A partir de ce moment, on s'en fout, mouillé pour mouillé nous continuons tant bien que mal notre progression vers Morlaas. Au sortir du bois, une route a grande circulation, les faubourgs de Morlaas, et un peu plus loin un supermarché. Nous allongeons le pas pour essayer de nous mettre à l'abri sous le auvent d'une pharmacie. C'est chose faite. Cinq minutes après les nuages se déchirent, la pluie s'arrête, et le soleil refait son apparition. Finalement, il n'a pas fallu beaucoup pour que nous arrivions avant le déluge. Nous nous dirigeons vers le supermarché pour acheter notre repas du soir pour lequel nous serons que deux puisque Daniel va nous quitter pour rejoindre son épouse qui est en cure non loin d'ici, vers Bagnères de Bigorre. Une chance, le bus passe à proximité du parking du supermarché. Nous mettons Daniel dans le bus (au cas où il se perdrait), une larmichette, un petit cadeau (un tee shirt en occitan) pour immortaliser notre rencontre, et on se promet de se rappeler pour la suite du chemin. Tchao tchao ami Daniel, à bientôt.

Une fois les courses faites, nous nous mettons à la recherche du camping; nous sommes sur la bonne voie, et qui plus est, il est fléché, il faudra quand même pas loin de deux kilomètres avant d'y arriver. C'est la bonne époque, le camping est désert, ainsi que le gîte d'accueil des pèlerins, il est tout entier pour nous. Seul un Hollandais qui fait le chemin à vélo nous rejoindra beaucoup plus tard, au moment du repas, et lui aussi sera interloqué par les quantités de nourriture et de liquide que nous ingurgitons. Lui qui ne se nourrit que de gels et de bananes... le pauvre.

Avant cela, nous avions pris soin de faire sécher tous nos fringues mouillés, pris une bonne douchel fait une petite balade dans Morlaas ne serait-ce que pour voir sa cathédrale, Saint Foy de Morlaàs, joyau de l'art roman, qui vaut le détour, et son ravissant cœur de ville, où bien sûr il y avait un bistrot siège du rugby local.

VENDREDI 12 OCTOBRE : MORLAAS - PAU (Gare) - La Maison

Ça sent la fin. Bien que la nuit eut été bonne, le réveil est grimaçant. Et oui, il faut rentrer. Pau est l'aboutissement de ce second périple. Nous nous levons de bonne heure, douche, petit déjeuner, et nous voilà fin prêts pour avaler les quatorze kilomètres qui nous séparent des faubourgs de Pau. Le plan, c'est d'arriver suffisamment de bonne heure à Pau, en début d'après midi, pour pouvoir prendre le train qui va nous ramener vers la Méditerranée. Bien que le ciel soit nuageux, nous comprenons que ce coup ci, il nous laissera tranquille. On longe le bois de Baricoumbes, puis ça ne sera qu'une succession de chemins et de pistes pour rejoindre la Lande du Pont Long après avoir traversé le pont de la Casteyre qui enjambe le Luy de Béarn. Quatre kilomètres plus loin, nous pénétrons la forêt de Bastard que nous traverserons entièrement. Un coup à droite, un coup à gauche, cinq cents mètres et nous sortons du bois (comme des loups) ; on longe sa lisière pendant cinq cents mètres de plus, on franchit l'autoroute par un pont aménagé à cet effet, et nous voilà sur la partie Est de l'hippodrome de Pau que nous allons contourner. Il est douze heures et nous voilà dans les faubourgs de Pau. Challenge réussi. Plus que quatre kilomètres nous séparent du centre de Pau. On prend l'avenue Didier Daurat qui traverse la ville jusqu'au Gave, et nous nous mettons en quête d'un petit restaurant. Un petit snack, bien accueillant, vers le milieu de l'avenue fera l'affaire. Les gens se poussent un peu lorsqu'ils nous voient rentrer avec nos gros sacs, la charmante hôtesse nous montre une table et nous donne le menu; une entrecôte frites? Pourquoi pas, il y a longtemps que nous n'en avons pas mangé.

Une fois les estomacs calés, nous reprenons notre progression vers le centre ville. Le château du bon roi Henry (quatrième du nom), se dresse là. Fabuleuse bâtisse que nous allons visiter uniquement en extérieur, car il ne faudrait pas louper le train. Encore un peu de temps, et nous allons flâner sur le magnifique boulevard des Pyrénées. Moments très agréables. Pau est vraiment une belle ville.

Allez, ce coup ci, il faut y aller, le funiculaire est là juste pour nous descendre en face la gare. Nous pénétrons le hall et prenons nos billets, il reste un quart d'heure avant l'arrivée du train. Timing parfait. Il n'aura pas de retard,  mais il sera bondé. C'est vendredi et les lycéens et étudiants rentrent chez eux.

Cinq heures plus tard, nous serons à Narbonne où Martine et Francine sont venues nous attendre, bien contentes de nous voir revenir en entier. Environ cent cinquante kilomètres en sept jours c'est honorable. En espérant de faire mieux la prochaine fois, à l'entrée de l'été prochain. là il nous faudra franchir les Pyrénées. Ça sera une autre histoire.

Je crois savoir qu'ils ont encore à raconter un petit bout du chemin 2013... et que ce ne sera pas triste à lire car perso je me suis marré en rapportant leur récit sur mon site . Tchao les gars... à bientôt...et peut être cette prochaine fois vous me convertirez à l'autre ballon...! 

Serge et RégisLes deux amis du chemin que j'aimerai bien revoir ....

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